Gérer la vie en dents de scie, soutenir des moyens de subsistance résilients au climat dans la région du Sahel
Il s’agit d’une publication de l’International Institute for Environment and Development (IIED) sur la thématique du changement climatique et les moyens d’adaptation.
Voilà des décennies que le Sahel est présenté comme une région qui souffre d’une dégradation irréversible où le désert ne cesse d’avancer et où la population s’appauvrit de jour en jour. Ce document brosse un autre tableau et identifie le potentiel considérable que renferment les écosystèmes des zones arides du Sahel. Il explore la résilience propre aux systèmes d’agriculture et d’élevage existants fondés sur l’exploitation de la variabilité du climat ; des systèmes dont les populations du Sahel ont su se servir pour établir des économies locales et nationales prospères. Ce nouveau profil peut contribuer à redéfinir les interventions de développement et promouvoir un avenir plus résilient au climat.. Il insiste sur le potentiel des marchés dans la zone et les opportunités offertes par les petites villes.
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Résumé de la publication
La résilience s’est imposée comme un concept clé pour comprendre comment les systèmes socio-écologiques complexes réagissent à une foule de tendances, de cycles et de chocs. La résilience climatique décrit une aptitude à résister aux défis que présente le changement climatique – défis parmi lesquels figurent un manque de précipitations, une hausse des températures et une variabilité accrue. L’inverse de la résilience est la vulnérabilité. Au Sahel, il est de plus en plus évident que c’est l’interaction entre les défis biophysiques et une large gamme de facteurs socioéconomiques qui sous-tend la vulnérabilité sociale.
Le fonctionnement des marchés, les réseaux sociaux et les institutions politiques sont de plus en plus pertinents – ils exercent tous des interactions à titre individuel ou collectif de manières qui peuvent finir par accroître ou diminuer l’impact de tel ou tel risque. À l’instar des autres zones arides, le Sahel est fréquemment décrit comme un territoire fragile, souvent dégradé et à faible potentiel. Pourtant, sur le plan écologique et socioéconomique, rien ne permet d’arriver à une telle conclusion. À présent, les recherches montrent qu’il est indispensable d’observer les zones arides sur des périodes beaucoup plus longues et que la variabilité climatique, y compris la sécheresse, n’a rien d’inhabituel.
De nouvelles connaissances permettent aussi de démontrer que la variabilité du climat rend les écosystèmes des zones arides plus divers d’un point de vue spatial et biologique et c’est du fait même de cette hétérogénéité qu’ils sont plus résilients et non fragiles. Les systèmes de production des zones arides ont évolué de manière à gérer les risques inhérents à leur fonctionnement dans des environnements où la variabilité climatique est la norme.
Les stratégies font appel à la diversification des actifs et des activités, mais aussi à des investissements importants par les populations locales dans le capital social et institutionnel. Pour les pasteurs comme pour les agriculteurs des zones arides, les stratégies sont souvent appliquées sur de vastes étendues géographiques, qui couvrent des écosystèmes différents et traversent les frontières nationales. Des marchés florissants à travers le Sahel montrent que la variabilité du climat n’est pas une contrainte pour la production alimentaire si elle est bien gérée : c’est une opportunité, rendue possible par la mobilité et par l’association de différents espaces de subsistance.
La mobilité du bétail est essentielle pour accéder aux meilleurs pâturages (et donc à une haute valeur nutritionnelle), à l’eau et aux marchés et pour faire face aux conditions de sécheresse. Au Sahel, l’importance stratégique de la mobilité du bétail au niveau régional est maintenant reconnue par la réglementation nationale et internationale qui la facilite au sein même des États et entre eux. Toutefois, d’autres travaux sont nécessaires pour rouvrir les axes traditionnels de transhumance, en baliser de nouveaux, réduire les risques de dégâts dans les cultures et offrir une tribune pour la résolution des conflits. Une production réussie exige le renforcement de la mobilité du cheptel par le biais d’initiatives qui travaillent à l’échelle appropriée et restent souples. Pour l’agriculture des zones arides, les stratégies visant à faire face à la grande variabilité des précipitations sont la diversité des semences, la mise en valeur de sols différents en différents lieux, la récupération des eaux de pluie, l’amélioration de la fertilité du sol, l’association d’arbres avec les cultures, la diversification des moyensde subsistance et le maintien de réseaux sociaux solides.
Les progrès technologiques et l’accès croissant aux marchés locaux et nationaux incitent les agriculteurs à intensifier les techniques de production en zones arides en exploitant des connaissances à la fois locales et extérieures. Les liens entre agriculture et élevage sont aussi cruciaux pour renforcer la résilience dans les deux systèmes de production.Plusieurs facteurs fragilisant la fonctionnalité du pastoralisme et de l’agriculture dans les zones arides pourraient être traités par des interventions de développement plus ciblées. Dans tout le Sahel, la hausse du prix des terres érode les régimes fonciers coutumiers. Malgré une législation qui affirme les droits à la mobilité du bétail, il existe souvent un fossé entre la théorie du droit et la pratique. Les pâturages et les terres boisées partagés sont particulièrement vulnérables aux acquisitions foncières à grande échelle et actuellement ces terres sont plutôt mal protégées par les dispositions administratives. L’élaboration de mécanismes accessibles et efficaces pour la sécurisation des droits et du régime foncier est essentielle pour la production et la résilience à long terme. La protection de ces droits revêt une importance particulière pour les femmes, aux yeux desquelles les espaces communs constituent une ressource cruciale dans la gestion du ménage.
Toutes les zones arides en raison de leur marginalisation politique. De même, il est à présent reconnu que la fourniture d’aide alimentaire en cas de sécheresse, si elle sauve des vies à court terme, n’est guère propice à la sauvegarde des moyens de subsistance. Les programmes de protection sociale peuvent contribuer à renforcer la résilience lorsqu’ils sont mieux ciblés, permettent un meilleur contrôle par les communautés récipiendaires et sont à la fois souples et intelligents sur le plan climatique. Les approches basées sur le marché pour protéger les actifs en période de sécheresse semblent aussi très prometteuses et suggèrent que les entreprises privées et les communautés vulnérables peuvent cibler les injections de capitaux d’une manière beaucoup plus efficace que ne peuvent le faire les pouvoirs publics ou les bailleurs de fonds. Tout soutien en faveur de moyens de subsistance résilients au climat dans la région du Sahel a besoin de tenir compte de ces différents points et de les traiter :
– reconnaître de façon explicite la variabilité, l’instabilité et l’imprévisibilité comme des caractéristiques indissociables de l’environnement ;
– renforcer les systèmes de production existants qui répondent à la variabilité en soutenant la mobilité du bétail à grand échelle et en intensifiant les pratiques de gestion durable des ressources foncières au sein de l’agriculture des zones arides ;
– renforcer la résilience grâce à de meilleures politiques et pratiques de développement en sécurisant les droits fonciers et la tenure foncière ; en renforçant la gouvernance locale au travers de la décentralisation ; en encourageant le développement proactif des petites villes ; en fournissant des services de base appropriés et accessibles ; en recentrant les programmes de protection sociale ; et en adoptant des approches basées sur le marché propices à la protection des actifs.