La mise à l’échelle de la gestion durable des terres au Sahel : des solutions pour une sécurité alimentaire durable
Lors de la deuxième Conférence scientifique de l’UNCCD tenue à Bonn du 09-12 avril 2013, le CILSS a présenté une communication sur la mise à l’echelle de la gestion durable des terres qui permet de lutter contre la désertification et certains effets négatifs des changements climatiques. La communciation proposée vise l’évaluation prospective des effets de la mise à l’échelle de la gestion durable des terres (GDT) dans deux pays sahéliens, le Niger et le Sénégal. Ces deux pays sont soumis à des déficits céréaliers chroniques qu’ils comblent via les importations et l’aide alimentaire. Consulter l’article de Bonn ICI ou consulter la publication sur le même sujet dans la revue Grain de sel nº 59-62 — juillet 2012–juin 2013, ICI.
Le niveau de dégradation de leurs terres agricoles avoisine 50 % et leur agriculture céréalière peine à assurer la sécurité alimentaire. Dès les sécheresses des années 70 et 80, ces pays ont entrepris de vastes chantiers de restauration de leurs sols agricoles, via les techniques habituelles de GDT, comme les ouvrages anti-érosifs et la protection de l’arbre dans les terroirs (Régénération naturelle assistée : RNA). Plus récemment, ils ont défini des cadres d’investissement à moyen terme en gestion durable des terres. Ils ont en parallèle, dans le cadre de la politique agricole de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), élaboré des plans nationaux d’investissement agricoles. Néanmoins, ils restent soumis à des déficits céréaliers forts et restent exposés aux chocs de prix et de production qui engendrent des situations de crise alimentaire. Une analyse prospective plus fine des coûts et bénéfices pour l’économie des différentes techniques de GDT est nécessaire.
Elle permettrait d’améliorer les politiques agricoles et environnementales précitées, en calibrant sur le moyen terme les investissements possibles. La démarche est simple. Il est proposé pour chaque pays une mise en regard des techniques de GDT et des zones agro-écologiques. Les coûts et bénéfices de chaque technique sont connus et ajustés en fonction des prix courants des surplus agricoles potentiels. Différentes options de mise à l’échelle sont alors testées, en tenant compte des estimations de superficie dégradée, de la capacité d’absorption des acteurs publics et privés et des tendances démographiques. L’analyse permet in fine de proposer aux décideurs divers ratios au niveau de chaque zone agro-écologique et au niveau national: PIB supplémentaire per capita, nombre de personnes nourries en plus sur la base de la norme de consommation céréalière, taux de diminution de la facture d’importation, nombre d’unités de bétail tropical (UBT) nourries en plus dans le cas des zones pastorales, taux de retour sur investissement potentiel pour chaque zone agro-écologique.
La dégradation des terres au Sahel et en Afrique de l’ouest : une étude de la FAO (2008), réalisée grâce à des données recueillies sur une période de 20 ans, démontre que la situation globale de la dégradation des terres s’est aggravée sur le plan mondial menaçant ainsi la survie de près d’un milliard et demi de personnes (soit le quart de la population mondiale) qui dépend directement des terres pour leur survie. Bien que les statistiques varient d’une source à une autre, on estime que la dégradation des terres affecte aujourd’hui 46% de la superficie du continent africain mettant en péril les moyens d’existence de près de 65% de la population africaine. Les pays sahéliens sont particulièrement sujets à la dégradation des terres. Elle contribue à diminuer les surfaces agricoles utiles et le niveau de la production.
La dégradation des terres entrainerait ainsi une chute annuelle de près de 3% de la production agricole compromettant ainsi la sécurité alimentaire dans la sous région. Les pertes de revenus liées à cette situation sont évaluées annuellement à 9 milliards de dollars américains représentant de 1 à 9% des PIB agricole des pays sub-sahariens. Pour des pays comme le Sénégal et le Niger, on estime par exemple que plus de 40 % des terres sont dégradées à fortement dégradées (PANLCD Sénégal, 2001 et PNIA/SDR Niger, 2010). Cela conduit à une baisse tendancielle des rendements dans de nombreuses zones agricoles et à la mise en place de systèmes de production non durables. A contrario, certaines zones du Sahel commencent à « reverdir », à l’instar de ce qui s’est passé dans le Nord du Nigéria dans les décennies 50-60. En effet face aux défis environnementaux, les paysans ont adopté massivement les techniques de régénération naturelle assistée, par exemple sur près de 5 millions d’ha au Niger et plusieurs centaines de milliers d’ha au Sénégal et Mali (Botoni et al, 2009).
Accacia albida constitue l’espèce phare de ces zones, arbre miracle qui permet de fixer de l’azote dans le sol et fournit du fourrage en saison sèche. Ailleurs, sur le plateau central du Burkina Faso ou encore la zone des plateaux de l’ouest au Niger, des techniques anti érosives (cordons pierreux, demi lunes, banquettes) et de restauration des sols (zai : impluviums remplis de matière organique permettant de remettre en culture des sols indurés) ont permis d’améliorer la fertilité sur également des centaines d’ha. Le tableau 1 suivant donne une idée de ces efforts.