Dynamique paysagère des terres arides et expériences réussies de restauration écologique
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Les paysages arides du monde se transforment sous les effets combinés des modifications d’usages des sols et du changement climatique. D’une manière générale, ces paysages se fragmentent et se désertifient du fait d’une pression anthropique locale croissante et le changement climatique ne fait qu’exacerber cette tendance.
Pour mieux faire face à cette évolution négative, il est nécessaire d’approfondir la connaissance de la dynamique paysagère de ces terres arides. Tel était l’un des objectifs de l’appel à contributions pour ce numéro. L’intention était de publier des travaux sur l’interaction des actions anthropiques locales et du changement climatique global sur les processus de dégradation et de désertification des paysages arides. Mais l’autre objectif était de rapporter les cas où cette tendance négative a été freinée, voire renversée. Nous cherchions donc également des travaux faisant l’état des lieux de cas de restauration écologique réussie et surtout, surtout, des raisons de leur succès. L’idée était de pouvoir rassembler quelques contributions interdisciplinaires, qui auraient eu trait à la fois aux aspects agroécologiques et socio-économiques tout en mettant l’homme au centre du processus.
Globalement, les contributions que nous avons reçues suite à notre appel se sont difficilement insérées dans cette double thématique. Nous avons reçu quelques dizaines de contributions dont la majorité était jugée d’une portée trop limitée et/ou qui se cantonnaient à répéter des expériences déjà faites avec des résultats prévisibles. Et aucune contribution n’offrait une perspective émanant des sciences humaines. Finalement, cinq contributions ont cependant été retenues, dont trois synthèses de travaux de recherche en matière de restauration (agro-) écologique des zones sèches, au Nord comme au Sud, et deux contributions plutôt techniques.
Deux synthèses traitent des recherches en zone sèche européenne.
Cortina et al. présentent une perspective originale qui part souvent de l’ensemble des travaux de restauration écologique ayant eu lieu en Espagne aride et conclut que, trop souvent, de très gros moyens ont été mis en œuvre pour « restaurer » des zones entières sans vision claire sur les objectifs à long terme ni sur la durabilité de l’entreprise.
Dutoit et al. synthétisent dix ans de recherche pour comprendre comment réhabiliter au mieux une steppe aride rare, protégée mais endommagée, dans le Sud de la France, pour conclure que, malgré tous les moyens mis en œuvre, les dégâts causés à la steppe se cicatrisent très lentement. N’est-ce pas parce que le contexte (le paysage) a changé lui aussi ?
La troisième synthèse (Roose et al.) se focalise sur la déduction de six règles de base suite à de nombreuses expériences de restauration des terres cultivées dégradées du continent africain de part et d’autre du Sahara. Les règles et les techniques prônées étant simples, force est de constater qu’il y a surtout des barrières socio-économiques entravant leur mise en œuvre.
Ce numéro thématique se conclut avec des contributions plutôt techniques analysant les dynamiques paysagères sous l’influence de l’action anthropique en Afrique de l’Ouest (Diallo et al. d’une part et Inoussa et al., d’autre part). Avec leur analyse diachronique d’images satellitaires, en appliquant des concepts de l’écologie du paysage, ces articles démontrent surtout à quel point la fragmentation et la dégradation de paysages arides entiers dont tout le monde parle depuis les années 1970 sont tangibles et inquiétantes. Il reste à voir dans quelle mesure la dégradation à grande échelle d’un paysage compromet les tentatives de restauration à petite échelle.
Le manque de vue globale sur l’urgence à restaurer des terres dégradées est flagrant. Nous ne pouvons que renvoyer le lecteur à un rapport récent d’Olivier De Schutter (2011), rapporteur spécial des Nations unies pour le Droit à l’Alimentation qui consiste en un plaidoyer très explicite pour l’agroécologie, non seulement pour enfin s’attaquer au problème de la faim mais aussi pour réparer les atteintes portées aux terres de ceux qui ont faim. De Schutter considère que l’énorme potentiel de l’agroécologie avec ses avantages sociétaux restera inexploité tant que les politiques nationales, régionales et mondiales seront façonnées en sa défaveur. À bien les lire, les cinq contributions de ce numéro vont exactement dans le même sens.